Droits des piétons, des cyclistes, des usagers des transports en commun.

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Un réseau cyclable fictif dans le dossier du BHNS

Avertissement : Cet article est long et détaillé. C’est nécessaire pour pouvoir y faire référence ultérieurement.
Si vous le souhaitez, n’hésitez pas à lire simplement le résumé non technique ci-dessous. Vous pouvez aussi ne lire que les parties pertinentes pour votre quartier.
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Contexte

Fin juin s’est achevée l’enquête sur le BHNS, le Bus à soi-disant « Haut Niveau de Service » de Toulon, proposée par la métropole. En tant qu’association, et à titre individuel, les adhérent·e·s de TVD ont étudié le dossier d’environ 1 000 pages pendant un mois et ont rédigé de nombreuses contributions.

Le 1er août sont apparus les documents publiés à la suite de cette enquête. Les enquêteurs ont synthétisé toutes les contributions, ont posé des questions au maître d’œuvre, dont nous connaissons désormais les réponses. Néanmoins, d’importantes questions persistent, et le dossier ne tient pas la route en ce qui concerne les aménagements cyclables.

Les enquêteurs semblent avoir résumé toutes les questions relatives aux aménagements cyclables spécifiques par une demande d’une cartographie plus détaillée. La métropole a fourni cette cartographie, qui est identique à celle des pages 65 et 66 du volet H3 du dossier d’origine, mais en plus haute résolution. Ce volet H3 présente le projet, les variantes considérées, et cartographie les itinéraires cyclables conservés, créés ou programmés dans le cadre du projet.

Dans une de nos contributions à l’enquête, également publiée récemment sur notre site web, nous avons déjà fait le tour des aménagements manquants ou mal conçus. Ici, nous allons maintenant étudier en détail la cartographie fournie par la métropole.

Résumé non technique des résultats

Les cartes du volet H3 du dossier BHNS sont censées montrer l’intégration entre le projet BHNS et le réseau cyclable.

La métropole soutient qu’un aménagement cyclable sur d’importantes sections du tracé n’est pas possible pour des raisons d’emprise, mais qu’il n’est pas non plus nécessaire, grâce à l’existence de cheminements alternatifs. Cependant, les cartes fournies affichent un réseau qui est en grandes partie fictif et qui, de plus, contredit d’autres pièces du dossier (volets E et F).

La métropole prétend que le projet entraînera une amélioration importante des aménagements cyclables. Mais le dossier montre que les améliorations réelles sont souvent confrontées à d’importantes dégradations, voire à la suppression pure et simple d »aménagements. Pour d’autres parties, le confortement des aménagements se résume à des détails comme la réfection de l’enrobé, alors que les enjeux de sécurité sont laissés de côté.

Pour la plupart de ces manquements et pour une bonne partie du tracé en général, aucun raisonnement n’est fourni dans le dossier, et aucune étude d’alternative n’a été menée, comme l’exige la jurisprudence.

Compte tenu des difficultés d’emprise et de la durée de vie des infrastructures routières comme un BHNS, l’absence d’aménagements corrects dans le cadre de ce projet condamnerait des secteurs entiers à une mobilité dépassée pour les décennies à venir. La plupart des lacunes soulevées dans l’enquête et dans nos autres écrits découlent directement du choix modal du BHNS, dont l’emprise est trop importante pour permettre la mise en place d’un aménagement cyclable sans supprimer des voies de circulation. Nous demandons donc au préfet de rejeter la déclaration d’utilité publique du projet.

Tous les problèmes discutés ci-dessous sont visibles de manière synthétique sur la cartographie modifiée ci-dessous. Si vous voulez vraiment savoir à quel point le projet BHNS ne tient pas la route, continuez à lire. 🙂

Cliquez pour voir la carte en détail

Si vous avez décidé de suivre l’article, vous pouvez aussi trouver le dossier entier, tel qu’il a été publié par MTPM, sur notre google drive. Nous allons principalement faire référence aux volets F et H3, mais ne vous inquiétez pas, les parties pertinentes sont présentées ici en images. 🙂

La cartographie du tracé BHNS et du réseau cyclable, selon MTPM

La cartographie est présentée dans le volet H3, p. 65f. Les cartes produites par la métropole en réponse aux enquêteurs sont d’une plus haute définition (1:10 000) mais montrent exactement la même cartographie. Les légendes font miroiter un réseau structuré :

  • « Itinéraires confortés »
  • « Itinéraires conservés »
  • « Itinéraires créés »
  • « Itinéraires programmés à court terme »
  • « Autres itinéraires cyclables »

Pris ensemble, ces codes laissent croire à une continuité cyclable le long de l’axe BHNS et à des alternatives réalistes sur les sections non aménagées. Or, c’est précisément ce que le terrain et les autres volets du dossier (E et F) démentent.

Carte du volet H3 (p.66) affichant le tracé BHNS et des segments cyclables classés «confortés », « conservés », « créés », « programmés à court terme » et « autres itinéraires », couvrant La Seyne–Toulon–La Garde ; la carte suggère une continuité cyclable étendue.
Carte du volet H3 (p.66), suite de la précédente, avec le même code couleur ; représentation d’un maillage cyclable dense le long de l’axe BHNS, incluant des tronçons en petites rues.

Dans sa réponse aux enquêteurs, la métropole a produit des cartes plus détaillées pour le tracé entier. Ces cartes montrent pourtant exactement les mêmes informations :

Le « réseau autour » (autres itinéraires cyclables)

Une part importante des « autres itinéraires » affichés ne comporte aucune infrastructure cyclable dédiée (ni piste, ni bande, ni véritable modération de trafic). Présentés comme un maillage d’alternatives, ils donnent l’illusion d’un réseau existant alors qu’il s’agit, au mieux, de simples rues de desserte sans traitement vélo.

Par exemple, la haute-ville de Toulon donne l’impression d’un réseau dense d’alternatives au boulevard de Strasbourg :

Mais tout cycliste vous le dira : ce réseau n’existe tout simplement pas. En fait, si une bonne partie de la voirie de la haute-ville a été récemment refaite et ces travaux se sont déroulés sans la moindre prise en compte des cyclistes. Pas de double-sens cyclable, pourtant obligatoire dans les rues ne dépassant pas les 30 km/h, même pas de pictogramme sur la voirie pour rappeler aux automobilistes que la rue est partagée avec les cyclistes, le dernier recours possible pour une conformité à l’article L228-2 du code de l’environnement.

Voilà le carrefour à l’extrémité nord-ouest de la place de la Liberté, selon la carte entièrement dans la catégorie « autres itinéraires » :

Cette absence systématique d’aménagements du centre-ville de Toulon pose d’autant plus de problèmes que la métropole ne cesse d’évoquer des « alternatives » qui, selon elle, peuvent être empruntées par les cyclistes au lieu des grands boulevards, sans jamais les nommer concrètement. La cartographie du centre-ville donne effectivement cette impression :

Si les cyclistes sont bien tolérés dans le centre historique, il n’y a clairement aucun aménagement spécifique aux vélos, à l’exception des petits panneaux qui indiquent un chemin qui permet aux touristes de traverser le centre-ville en relative sécurité, mais toujours à vitesse des piétons, à qui cette zone appartient clairement et pour juste cause. À titre exemplaire, regardons les cinq tronçons marqués dans l’image en haut :

Le seul aménagement qu’on voit sur ses rues, c’est le double sens cyclable de la place Gambetta, qui était évoqué comme excuse partielle pour l’absence d’aménagement double sens sur l’avenue de la république en 2023… et qui était supprimé depuis pour des raisons obscures. Notamment, aucune de ces rues n’est adaptée pour un flux même léger de cyclistes, et certainement pas pour un trajet domicile/travail pour lequel l’efficacité prime. Et avant de l’oublier, la bande cyclable sur l’avenue de la république, trop éloignée, trop étroite, à sens unique, et coupée à chaque arrêt de bus, n’est évidemment pas un cheminement alternatif pour les grands boulevards non plus. MTPM dans sa réponse envisage d’étudier une solution mais pas dans le cadre du BHNS, et sans de date annoncée…

Nous rentrons autant dans le détail de ces manquement de cartographie, sur des tronçons qui ne font même pas partie du tracé BHNS, pour illustrer l’écart entre cartographie et réalité sur le terrain. Apparemment, la métropole considère simplement comme itinéraire cyclable toutes les rues du plan vélo de la métropole. Mais même ce plan vélo les désigne comme « itinéraire conseillé (non aménagé) ».

Si l’on superpose ces aménagements fictifs sur le réseau tel qu’il est présenté par la métropole, on voit qu’il ne s’agit pas d’un petit manquement ici ou là. L’écart entre le réseau présenté et le réseau réel est important :

Cliquez pour voir la carte en détail

L’excuse de la métropole pour l’absence d’aménagements sur le tracé BHNS s’appuie le plus souvent sur l’existence d’alternatives. Et ces alternatives sont, nous le voyons bien, largement fictives.  « Conseillé (sans aménagement) » ne fait pas d’une rue un cheminement viable.

Mais les manquements de cartographie ne s’arrêtent pas là.

Des problèmes aussi sur les tronçons mis en avant

Au-delà de ce « réseau » autour du tracé BHNS, les segments explicitement mis en valeur sur les cartes posent eux aussi de différents types de problème, et ça dans toutes les catégories affichées :

  • « Itinéraires confortés »
  • « Itinéraires conservés »
  • « Itinéraires créés »
  • « Itinéraires programmés à court terme »

Il manque même une catégorie qui devrait apparaître : « Itinéraires supprimés », c’est-à-dire des aménagements retirés ou rendus inopérants par le projet.

Nous détaillons ci-dessous chaque problème en détail, pour montrer que les problèmes de la cartographie ne sont pas simplement expliqués avec des erreurs simples, ou avec des incompréhensions. Si vous trouvez des fautes dans ce qui suit, et surtout si vous connaissez des explications pour les questions restantes, contactez-nous s’il vous plaît !

Pistes dites « préservés » qui n’existent pas

Il y dans la cartographie présentée trois parties qui sont affichées comme « itinéraires préservés » alors qu’ils ne présentent à présent aucun aménagement cyclable à préserver.

À la Seyne-sur-Mer, cela ne concerne « que » deux petites parties :

L’entrée de l’avenue Jules Renard (à gauche) restera en l’état, c’est-à-dire avec deux pistes séparées d’un tronçon non aménagé, qui restera de plus infranchissable aux vélos dans la direction sud>nord. L’accès à vélo à cette piste depuis le boulevard Maréchal Alphonse Juin se fera apparemment par plusieurs feux piétons et un trottoir, ce qui implique pied à terre pour les cyclistes.

Si cette micro-coupure est emblématique d’une politique de négligence vis-à-vis du vélo (en dépit des ambitions du PDU 2015 2025 de résorber quelques centaines  de micro-coupures) la micro-coupure sur le bd Alphonse Juin en face du stade Victor Marquet est plus grave. Cette coupure sera nouvellement introduite, supposément en raison des besoins d’emprise du BHNS et des voitures. Une suppression d’une piste cyclable séparée, aussi belle qu’elle soit, sur une longueur d’environ 40 m, peut paraître anodine, mais si l’on regarde le lieux en détail, on se rend compte que le cheminement dans les deux sens devient très compliqué pour les cyclistes :

Dans le sens ouest>est, on peut imaginer de croiser le flux des cyclistes dans l’autre sens, pour s’insérer sur la voie du BHNS, même si les plans ne laissent pas comprendre que ça soit permis aux cyclistes. Cette solution sera probablement choisie par les cyclistes plus confirmés, alors que ceux qui sont moins à l’aise dans la circulation motorisé emprunteront certainement le trottoir, ce qui va forcément produire des conflits avec les piétons.

Dans le sens est>ouest, la situation est encore pire : pour s’insérer sur la voie BHNS, il faut croiser le flux à rebours des Bus, puis le ré-croiser pour retrouver la piste cyclable. Et encore une fois, aucun élément du dossier ne présente ce tronçon de couloir de bus comme cyclable. L’aménagement de l’espace, tel qu’il est présenté, ne laisse alors que le choix de « pied à terre » pour les cyclistes. Cette micro-coupure, supposément provoquée par un manque d’emprise, découle de manière directe par le choix de modalité : l’emprise réduite du tramway aurait permis, à cet endroit, de préserver les voies des voitures et des vélos.

Le prochain tronçon mal affiché sur la cartographie fournie par MTPM se trouve à Ollioules, sur le chemin du Clos du Haut, ainsi que sur le rond-point de la Cagnarde (nord de l’autoroute). Ces deux voiries ne font pas parti du tracé BHNS, ni du périmètre du projet, et on se demande alors pourquoi elle sont affichées comme « conservé » dans ce dossier :

En revanche, elle ne présentent aussi aucun aménagement cyclable, ne figurent pas sur le plan vélo de la métropole, et on se demande alors quel aménagement est censé être conservé ici :

Le troisième tronçon « conservé » se trouve au pont du Las. Ici, la métropole écrit dans le volet H3, p.64 :

« Avenue du XVème Corps : utilisation de l’aménagement cyclable existant sur l’Avenue du Lieutenant Estienne d’Orves. »

S’il est vrai que l’avenue Estienne d’Orves est aménagée pour les vélos, elle ne remplace en rien un aménagement qui passerait par le secteur du pont du Las, ce qui confirme bien la décision de 2020 du conseil d’État sur le sujet.

Mais sur la page 42 du même volet H3, la métropole écrit également que « Les cycles évoluent selon le schéma directeur, en passant par la rue Félix Mayol au sud » et nous présente ce graphique :

FIGURE 53: EXTRAIT DE L'INSERTION AU DROIT DE L’AVENUE DU XVEME CORPS
FIGURE 53: EXTRAIT DE L’INSERTION AU DROIT DE L’AVENUE DU XVEME CORPS
NDLR: la « Rue Estienne d’Orves » affichée dans le graphique de la métropole est en vérité la rue Félix Mayol, comme le texte l’évoque.

Si le schéma directeur des aménagements cyclables est effectivement flou sur le cheminement exact sur ce secteur, il prévoit clairement un aménagement permettant de traverser le secteur pont du Las depuis bon rencontre :

Le cheminement présenté dans le volet H3 ne satisfait alors pas l’aménagement prévu dans le SDAC, car les cheminements présentés en vert (qui ne font d’ailleurs pas parti du projet BHNS, et ne sont ni promis ni même planifiés) ne permettent justement pas de faire la traversée depuis bon rencontre, c’est à dire dans la direction qui présente le plus fort besoin de mobilité. Mais si l’on regarde les différence entre la page 42 du volet H3 et la page 65 on remarque aussi une différence :

L’extrémité ouest de l’avenue du XIème Corps est affiché sur la cartographie (p.65) comme « itinéraire conservé », alors que la discussion de détail (p.42) le présente comme dépourvu d’un aménagement cyclable. Quelle graphique est alors la bonne ? C’est la page 42, simple à vérifier sur le terrain ou sur streetview :

Ce tronçon ne présente aujourd’hui aucun aménagement cyclable et cet état sera tristement conservé sous le projet BHNS. Une traversée du secteur à vélo implique alors forcément une insertion sur la voie des voitures, puis de croiser le couloir BHNS, pour atteindre la rue Félix Mayol. Et cette rue Mayol, ainsi que la rue Paul Jolly, les deux affichées comme « itinéraire conservé », ne profitent non plus d’un aménagement cyclable, ne sont même pas équipées d’un double sens cyclable, et ne seraient toutefois en rien assez capacitaires pour absorber un flux important de cyclistes, tel qu’il serait souhaitable sur un axe lourd du SDAC :

En fait, la Masse Critique, collectif pour l’essor du vélo à Toulon demande depuis des années la mise en place d’un double sens cyclable sur la rue Jolly. Cet dispositif, qui n’offrait de toute façon qu’un cheminement jusqu’à la médiathèque, était apparemment toujours trop compliqué à mettre en place. Mais quand il peut servir d’excuse pour le refus d’un aménagement sur l’axe principal, l’axe lourd du quartier, il nous est simultanément promis pour plus tard, et on nous le vend comme « conservé ». Même l’hypothétique aménagement à venir sur les petites rues, hors cadre du projet BHNS, ne permettra pas une traversée sécurisée du secteur, à cause de la lacune à son extrémité ouest.

Et cet aménagement envisagé mais hors cadre du projet n’est pas le seul que nous présente la métropole.

Itinéraires prévu « prochainement » sur le tracé BHNS

Commençons dans cette catégorie avec une simple curiosité : l’avenue de l’Université entre l’Avenue83 et l’entrée de Conforama. Ce tronçon figure sur la cartographie de la métropole à la fois comme « conforté » et comme « programmé à court terme » :

Effectivement, le volet F du projet BHNS présente ici un aménagement en piste séparé en double sens, une véritable amélioration de la situation, par rapport aux bandes cyclables existantes. Par contre, notre critique de ce secteur, soulevé pendant l’enquête publique et à lire dans notre dernier post est que cette jolie piste est systématiquement interrompue à chaque carrefour, i.e. aux points les plus accidentogènes.

Si un aménagement supplémentaire à celui présenté dans le volet F est effectivement programmé, il n’y est pas décrit, et le peu de détail que nous connaissons en page 66 du volet H3 ne semble pas indiquer  un aménagement de ces rond-points. Mais s’il y a peut-être une petite incohérence sur ce secteur, c’est plutôt une curiosité.

Il en est tout autre pour le secteur de la Coupiane. Ce secteur reste complètement dépourvu d’aménagements cyclables dans le cadre du projet BHNS, au profit d’aménagements sur les rue secondaires, « programmé à court terme » sans faire parti du projet même, ni des projets mentionnés dans le volet H5, qui met en relation le projet BHNS avec d’autres projets connus.

Sur la base des promesses non tenues du passé, les cyclistes ont peu de raison de faire confiance dans un aménagement promit sans projet concret associé. Même si l’on considère que ces aménagements seront effectivement mis en place prochainement, cela ne permettrait pas de faire le même trajet en sécurité que le tracé du BHNS, et certainement pas de manière aussi efficace, vu que ces chemins se trouvent sur le réseau secondaire. Nous avons déjà abordé ce sujet dans notre contribution par rapport aux aménagements cyclables proposés.

Mais la cartographie de la métropole cache un problème plus sévère sur l‘avenue des Frères Lumière :

Sur cette avenue de 400 m de long, entièrement superposé au tracé BHNS, un aménagement existe déjà :

Et selon le volet F, cet aménagement sera supprimé dans le cadre du projet BHNS :

Un aménagement est-il effectivement encore programmé ici, ou est-ce juste une cartographie hors date ?
La cartographie de la métropole soulève à cet endroit plus de questions qu’elle n’en résout, et aucune des réponses possibles ne semble très rassurantes. Il en découlent trois cas possibles :

Si le tracé turquoise sur la cartographie indique simplement l’aménagement de l’avenue qui était, selon streetview, installé entre janv. 2023 et mars 2024, cet aménagement serait supprimé dans le cadre du projet BHNS.

Si, par contre, ce tracé turquoise concerne effectivement un autre aménagement, encore à mettre en place sur l’avenue des Frères de Lumière, cet aménagement serait-il mis en place avant ou après les travaux du BHNS, programmés pour 2032-2034 ?

Si c’est avant, alors on fera des travaux, puis les aménagement désormais améliorés seront supprimé en 2032 ?

Si les travaux sur l’avenue sont programmés après ceux du BHNS, il semble qu’une mise en place d’un aménagement cyclable est techniquement possible, et que, selon l’article L228-2, la métropole serait alors obligée de les mettre en place dans le cadre du projet BHNS.

Aucun des trois cas n’est favorable à l’argument de la métropole d’une conformité « dans le principe » du projet. Et peu importe la réponse réelle, on peut constater que la cartographie et la documentation de la métropole sur ce secteur ne permettent pas de juger le projet. L’utilité publique d’un aménagement prévu prochainement est tout autre que celle d’un aménagement supprimé dans le cadre du projet, voir d’un aménagement améliore, puis supprimé !

Itinéraires soi-disant « confortés »

La cartographie de la métropole évoque de long tronçons confortés, plus de 12 km en total. Tristement, l’ambition « de faciliter l’accès à la mobilité pour tous et d’améliorer le confort des usagers », constaté comme l’un des six buts du projet BHNS dans l’arrêté du préfet à la base de l’enquête publique, n’est pas mise en question que sur l’unique tronçon à la Coupiane. Il existe d’autres endroits, affichés comme « itinéraires confortés », dont l’apport de confort pour les cyclistes peut être mis en question à degré variable.

Par exemple, les aménagements prévus au port de la Seyne-sur-Mer, ainsi qu’à Toulon sur l’avenue Aristide Briand présentent effectivement des améliorations importantes pour les cyclistes. De même pour certaines parties à l’est, autour de l’université et à l’approche de la Pauline. Mais c’est déjà toute la liste des parties ou les besoins des cyclistes ont vraiment été tenus en compte.

Commençons à l’ouest de la métropole. Entre l’arrêt Portes d’Ollioules et de Toulon et le pont Escaillon, la cartographie montre un tronçon conforté :

Le volet F y montre des bandes cyclables des deux côtés, coupées gracieusement à l’arrêt Covoiturage Escaillon :

Mais sur ce tronçon les cyclistes bénéficient déjà des bandes cyclables. Certes, une coupure de la bande sur le côté sud, au niveau de l’allée des Églantiers sera améliorée, mais une nouvelle coupure, aussi large, apparaîtra au niveau de l’arrêt Covoiturage Escaillon. Le confortement net se résume alors à, d’un côté, la suppression du stationnement latéral comme source d’angoisse et d’une voie de voitures avoisinante par un couloir BHNS, et, de l’autre côté, la réfection du goudron qui est, nous accordons, bien nécessaire à cet endroit.

La situation est similaire un peu plus à l’est, le tracé BHNS longe le chemin de fer, sur l’avenue Herriot (DN8) qui est elle aussi un tronçon « conforté » :

Sur la partie ouest de cette avenue, les cyclistes sont tenus de traverser la rue pour, selon le volet H3 (p.40) partager le trottoir avec les piétons sur 300 m.

Comment cette suppression d’aménagement, ou, dit autrement, d’un aménagement non conforme à l’article L228-2 même en principe selon la jurisprudence, présente un reconfortement par rapport à la situation actuelle (une large bande cyclable des deux côtés) n’est pas clair. Pour tout piéton empruntant ce tronçon, le confort sera certainement dégradé. Sur les prochains 100 m, l’aménagement est complètement supprimé sur le côté nord. Côté sud, les vélos empruntent le couloir BHNS pour environ 200 m. Cet aménagement, s’il est peut-être conforme à l’article L228-2 en ce qui concerne le dépassement en sécurité des cyclistes par le bus, présente toutefois un risque de perte d’efficacité du BHNS, si le dépassement oblige les bus à chevaucher la ligne à gauche. Sur le reste de l’avenue Herriot, les vélos restent sur des bandes cyclables des deux côtés. Les changements sur les 800 m de l’avenue Herriot se résume alors à :

  • la suppression de stationnement latéral le long de la route sur le côté sud
  • la suppression total d’aménagement sur 100 m côté nord
  • un aménagement non conforme, voir la supression d’aménagement selon l’interpretation, sur 300 m
  • l’ajout de deux traverses pour les cyclistes faisant le trajet ouest > est.

Poursuivant le tracé par l’ouest, le boulevard Général Brosset est aussi affiché comme « conforté » :

Le manquement principal de ce tronçon, qui est déjà aménagé de bandes cyclables aujourd’hui, est pourtant le risque d’ emportiérage par les voitures garées sur le stationnement latéral et souvent sur la piste :

Ce risque n’est en rien amélioré dans le projet BHNS, qui prévoit un aménagement presque identique qui ne suit pas les recommandations du CEREMA pour ce cas, qui prévoit une zone de tampon d’au moins 50 cm entre bande cyclable et stationnement :

Le « confortement » sur cette avenue se résume alors par la suppression totale d’aménagement le long de l’arrêt BHNS, ainsi que la réfection de l’enrobé sur le reste de la voirie.

Comme intermède, nous passons par le parvis de l’ISEN à Toulon, où la métropole remplace un non-aménagement (trottoir partagé) par une piste séparée… avec deux traverses d’une voirie de 2×3 voies, sur 50 m de distance :

Les cyclistes se rendant sur la piste du littoral apprécieront certainement les deux petites pauses aux feux qui réconforteront leurs trajets du quotidien…

Nous sautons maintenant jusqu’à la Garde, où la cartographie de la métropole montre à l’extrémité est de l’université un tronçon « conforté » :

Selon le volet F, il s’agit d’une piste bidirectionnelle qui longe le BHNS :

Cependant, cette voirie bénéficie déjà d’une piste bidirectionnelle, qui non seulement est déjà dans un état très correct, mais qui ne dispose d’aucun croisement avec la voirie entre les arrêts Campus et 4 Chemins. Le nouveau cheminement implique non seulement un rapprochement entre vélo et BHNS, qui roulent désormais côte à côte, mais aussi un carrefour avec les rampes d’entrée et de sortie de la RD98 (Route d’Hyères).

De plus, cette piste sera désormais entièrement interrompue aux arrêts Campus et 4 chemins.

Il ne ressort pas du dossier BHNS si le contournement de l’entrée/sortie de la RD98 sera maintenu. Si cela est le cas, le croisement de ces rampes peut être évité par les cyclistes sur ce chemin. La triste réalité semble être que dans la meilleure des interprétations, le changement pour les cyclistes sur cette partie du tracé se résume par un peu plus d’ombre et un enrobé en encore meilleur état, en échange pour deux coupures totales de la piste.

En suite, entre l’université et le centre-ville de la Garde, la métropole cartographie également une partie « confortée » :

La piste selon le volet F sur cette partie est bien pensée : séparée du reste de la voirie, même sans coupure au niveau des arrêts BHNS :

Sauf que l’on voit bien que cette piste n’est en rien nouvelle. En fait, selon streetview, elle existe en l’état depuis au moins 2008 :

L’aménagement cyclable semble en gros inchangé depuis, ce qui met en question quel confort supplémentaire sera apporté par le projet BHNS.

Ainsi s’achève notre tour des tronçons mal affichés sur la cartographie du volet H3.

Mais il y en a encore une catégorie !

Les « itinéraires supprimés » : la catégorie manquante

Une fois arrivé à l’entrée de la Garde, le projet BHNS poursuit son chemin jusqu’à son terminus, exempt de tout soupçon :

Pourtant, ce même centre-ville dispose aujourd’hui d’un réseau important de bandes cyclables :

Et si ces bandes laissent beaucoup à désirer, notamment étant parfois risiblement étroites, elles ont le mérite d’exister. Mais si l’on regarde le volet F, on remarque qu’aucun aménagement est prévu dans le centre-ville de la Garde :

Ci-dessus, nous avions déjà rencontré de petites parties où un aménagement existant était supprimé. Il s’agit souvent des coupures aux arrêts de bus, ou sur une partie particulière. Mais voilà une catégorie toute neuve qui devrait être mise en valeur sur la cartographie de la métropole. Sur une longueur d’environ 1,6 km, tout aménagement cyclable est supprimé par le projet BHNS. Pour la partie entre l’avenue de la paix et l’avenue Gabriel Péri, cette suppression nous est même présentée comme un « confortement » !

Malheureusement, aucune discussion, explication, ni des alternatives pour le tracé après la Pauline sont élaborées, ni dans les volets E ou H, et nous ne savons alors rien sur le raisonnement de cette suppression.


Sommaire

Dans le volet H3 du projet BHNS, la métropole TPM nous présente une caricature du véritable impact de son projet sur le réseau cyclable.

Le contexte du réseau existant est présenté de manière exagérée, donnant l’impression que l’absence d’aménagement sur d’importantes parties importe peu, face à de nombreux cheminements alternatifs.

Le confortement d’autres parties s’avère souvent peu confortable, voire même au détriment de la sécurité des cyclistes.

De nombreux aménagements futurs sont évoqués, sans pourtant même une promesse ferme de les réaliser, et sans que ces aménagements présentent une véritable alternative au tracé emprunté par le BHNS.

Des aménagements fictifs sont présentés comme conservés, alors qu’en vérité, des secteurs entiers de la métropole sont privés, peut-être pour de décennies, d’un véritable aménagement sur ces mêmes tronçons.

Finalement, une partie importante du seul réseau cyclable dense de la métropole est supprimée sans que ce fait soit même évoqué dans le dossier ni la cartographie.

Et nous tenons à répéter que toute cette discussion ne porte même pas sur la qualité ou conformité des tronçons dont la cartographie est cohérente entre le volet F et H3, à lire dans notre contribution à l’enquête publique.

Pour toutes ces raisons, ainsi que pour ceux évoqués dans nos contributions portant sur les autres aspects du projet, nous sommes de l’opinion que le projet BHNS n’est pas d’utilité publique.


Épilogue

Merci d’avoir lu un article si long et si technique. Ou au moins de l’avoir sauté pour arriver tout en bas. 🙂

Si un tel travail, ainsi que des actions bien moins techniques mais tout aussi amoureux d’une mobilité moderne, vous intéresse, rejoignez-nous ! Adhérez, venez à nos réunions, discutez avec nous sur notre liste de diffusion, parlez de nous autour de vous !

Si vous trouvez que ce travail, et les recours juridiques qui se dessinent à l’horizon, sont de valeur, n’hésitez pas à faire des dons. Ce travail nous prend beaucoup de temps, et tout soutien nous aide.

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